RENCONTRE

Pierre Hermé: infiniment gourmand

Par Monique Delanoue-Paynot

Il promène avec une élégance gustative saveurs et créations à travers le monde. Célébré de Paris à Tokyo en passant par Londres, Hong Kong ou Marrakech, on compte des dizaines de boutiques Pierre Hermé all over the world ! Rencontre avec un grand voyageur, un homme de goût.

Pierre Hermé

Pierre Hermé est un créateur surdoué. Son chemin ? « Le plaisir pour seul guide », déclare l’inventeur de son propre univers de goûts, de sensations et de plaisirs. Reconnu, admiré, invité régulier des grandes émissions de gastronomie, il est celui qui a posé les bases de la haute pâtisserie contemporaine en signant des classiques comme le fameux Ispahan. Imité, jamais égalé ! C’est poussé par un désir hors normes d’apprendre, de découvrir, que l’héritier de quatre générations de boulangers-pâtissiers alsaciens a construit sa carrière dès son arrivée à Paris à l’âge de 14 ans. Curieux et profondément gourmand, le chef pâtissier en devenir va cultiver son goût absolu en se frottant aux maîtres en la matière, comme Lenôtre ou Fauchon avant la création de la Maison Pierre Hermé Paris en 1997. Le début du voyage. Et de la success-story. Jamais rassasié, l’homme aux multiples talents s’envole régulièrement aux quatre coins de la planète à la recherche des meilleurs cafés, chocolats ou vanilles. De voyages en rencontres, de producteurs exceptionnels en artistes passionnés, de villes en pays et continents, se perpétue un désir sans cesse renouvelé de croquer la vie à pleines dents. Avec ferveur et jubilation : « Des vanilles les plus rares aux plants de café les plus inaccessibles, des fèves de cacao les plus riches aux agrumes les plus savoureux, mon métier m’a donné la chance d’assouvir mon insatiable curiosité pour les saveurs, les êtres et la vie ». Merci à Pierre Hermé de combler nos papilles et d’enchanter nos fêtes gourmandes.

Interview

« Je voyage six à sept jours par mois », dites-vous… Par désir ou contrainte ?

Ce n’est jamais une contrainte ! Je voyage beaucoup pour mon métier, mais aussi pour découvrir des villes, des sites d’art contemporain. J’éprouve du plaisir à redécouvrir le Japon où je vais très souvent depuis des années, autant pour le travail que pour la culture. Après plus de 80 voyages dans ce pays et l’installation d’une trentaine de boutiques, j’ai toujours l’impression de ne pas le connaître. Ma passion du voyage est liée à la découverte d’une ville, un pays, un continent. J’adore voir New York, l’île Maurice et toutes les métropoles d’Europe : Barcelone, Madrid, Vienne, Milan, Rome, Berlin, Amsterdam, Bruxelles, Londres… Des destinations que j’apprécie car je suis un curieux ouvert à la découverte, encore et encore… Mon dernier voyage en Islande m’a fasciné.

Êtes-vous un voyageur gourmand par évidence ?

Non ! Quand j’arrive dans un pays, tout m’intéresse. Mais j’aime beaucoup voir les marchés de rue, les supermarchés, la food locale : vin, épicerie, charcuterie, poissonnerie. Et, bien sûr, pâtisserie et chocolaterie. Si je vois ce qui ressemble de près ou de loin à l’une d’elles, je traverse la rue. Salé, sucré, c’est toute la culture gastronomique du pays qui retient mon attention.

Voyagez-vous léger ?

Jamais ! [rires] Je ne sais pas voyager sans bagages enregistrés et je suis étonné par mes amis qui le font très bien. Comme j’achète différentes choses à manger, parfois solides, parfois liquides, et que j’emporte des produits de ma confection pour offrir à mes hôtes : macarons, chocolats, cakes, orangettes, mendiants, panettone, oeufs et colombes de Pâques, selon la saison, le problème des bagages se pose à l’aller comme au retour.

On vous définit comme un homme sensible à la mode, aux accessoires ?

Pas à la mode en soi. Sensible aux belles matières, oui ! Les beaux tissus, les cachemires. Depuis des années, je reste fidèle aux marques que je porte : les pantalons du créateur italien Jacob Cohën, les vêtements signés Loro Piana à l’élégance contemporaine, les chaussures Pierre Corthay dont la belle boutiquese trouve derrière le Park Hyatt, rue Volney, dans le 2e arrondissement de Paris. Mes couleurs ? J’affectionne le bleu marine et le noir pour la base. Ensuite, bordeaux, marron, vert… Et l’été, je bascule vers le clair : le blanc principalement. Je ne mets quasiment que des chemises blanches.

Montres, bijoux, parfums, vous aimez ?

J’aime les montres. En particulier celles de Blancpain, la plus ancienne marque horlogère au monde, fondée en 1735 dans le Jura suisse. Côté parfums, j’en ai créé pour l’Occitane sous la marque « Pierre Hermé Occitane 86 » et je porte l’un de ceux que j’ai composés : « Bois de Cèdre-Cédrat ». Aux beaux jours, j’aime assez « Eau dynamisante » de Clarins et chez Hermès : « Concentré de pamplemousse rose », qui m’a inspiré un macaron à partir de cet agrume, de clou de girofle et de muscade.

Le luxe fait-il partie de vos priorités ?

C’est une source d’inspiration permanente. L’univers du luxe m’intéresse sous toutes ses formes. Lorsque j’ai fondé mon entreprise, il y a quelques années, j’ai créé une marque de luxe dans le domaine de la pâtisserie sous le label « Haute Pâtisserie » dont j’assure la cohérence et la direction artistique, et qui conjugue cette approche dans la création des produits, mais aussi dans l’architecture des boutiques, l’emballage, l’expérience client.

Côté lifestyle, l’artiste créatif aime-t-il les beaux hôtels et lesquels vous séduisent ?

J’adore La Mamounia à Marrakech ! Pour moi, l’un des plus beaux hôtels au monde. La décoration récente du tandem Jouin Manku, entre héritage et modernité, est fastueuse. Sans préférence aucune, j’aime découvrir de nouveaux et luxueux hôtels. Le dernier ? L’hôtel Bulgari, à Paris, absolument magnifique. J’ai admiré le temps d’un week-end l’aménagement, le moderne chic des matériaux, les meubles signés, et la très bonne qualité de service. On retrouve l’esprit de la marque de bijoux italienne grâce à l’architecte d’intérieur, Antonio Citterio, qui a créé un environnement élégant, digne du design de Bulgari.

Quand on parcourt la planète, que garde-t-on de ses racines, en l’occurrence l’Alsace ?

Un référent et ma région d’origine.

ispahan
tarte vanille
cerise sur le gâteau

L’Ispahan – Tarte Infiniment Vanille – La cerise sur le gâteau

La Maison Pierre Hermé Paris propose ses créations sur la boutique en ligne www.pierre-herme.com.

« Le roi des macarons », est-ce réducteur de vous définir ainsi ?

Non, car c’est ce que les gens connaissent le mieux de mon travail. Même si celui-ci porte autant sur la pâtisserie, le chocolat, la glace ou la viennoiserie. Le macaron est un territoire que j’ai fait évoluer au fil du temps. Dans les années 1970, il n’existait que quatre saveurs : chocolat, vanille, café et framboise. Point ! Je l’ai amené dans un univers où les saveurs se sont multipliées et l’on compte à présent dans La Maison plus de mille associations signatures. Et je précise que les macarons truffe blanche, truffe noire, caviar ou foie gras, dont je suis le précurseur, restent des bouchées pâtissières sucrées.

Vous êtes réputé pour vos macarons aux mariages étonnants : asperge-huile de noix, petits pois-menthe… D’où vous vient l’inspiration ?

Toujours de ma curiosité gourmande de tout ce qui se mange, se voit et s’entend. Les associations ail noir et vinaigre balsamique, safran et réglisse, chocolat et algue sèche nori, utilisée dans les makis, sont absolument délicieuses ! Mon macaron « Infiniment Citron Noir » résulte d’une tradition venue du Moyen-Orient où l’on fait bouillir les citrons avant de les faire sécher au soleil. D’où une aromatique profonde et corsée sans acidité. Mes sources d’inspiration sont variées, à partir d’une discussion, d’images, de lectures, de voyages.

Jusqu’à dessiner vos propres créations ! Pour mieux en définir les saveurs ?

J’imagine dans ma tête et je couche sur le papier, oui, c’est important. Les dessins permettent de réaliser les essais et de construire l’architecture du goût avant d’intervenir sur la mise en oeuvre des idées. Actuellement, je travaille et dessine sur le thème de l’univers minéral pour la création du prochain « Gâteau d’exception de Noël » que vous découvrirez au moment des fêtes de fin d’année. [rires]

Être aujourd’hui à la tête d’un empire, une fierté ?

Mon idée première était non pas de créer une entreprise, voire un empire, mais une marque de luxe dans le domaine de la pâtisserie. Je suis très heureux et fier d’avoir réussi. Et c’est ce que je continue de faire aujourd’hui par goût du challenge.

Quand on a tout réussi, c’est quoi l’avenir de Pierre Hermé, quels sont vos projets ?

Mon actualité parisienne est l’ouverture, boulevard des Capucines, de ma première boutique, « Infiniment Chocolat », entièrement consacrée au cacao. Pas de macarons, pas de gâteaux ! Uniquement des créations exclusives et temporaires. Mes projets 2024-2025 ? De multiples ouvertures à l’étranger : Taïwan, Dubaï, Abu Dhabi, Singapour. En France, un corner à l’aéroport de Nice. Et, plus proche de Paris, l’ouverture à Versailles de l’Hôtel des Lumières, un prestigieux 5 étoiles surplombant la place d’Armes et la cour Royale du château du Roi Soleil, dont on va accompagner la carte salée et sucrée.

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