Immobilier/ LE MOT DU NOTAIRE

Patrimoine : Comment faire une donation d’un bien immobilier ?

Par Charlène UZAN
Notaire à Paris

 

 

Oscar Wilde disait : « Je n’ai pas peur de la mort. Ce qui me terrifie, c’est l’approche de la mort. » La mort est inévitable et si cette réalité continue de nous faire peur, en discuter permet de planifier les aspects pratiques qui y sont associés.

En cas de décès et en l’absence de donation et/ou de dispositions testamentaires particulières organisant la répartition du patrimoine entre ses héritiers, ils seront confrontés à plusieurs problématiques civiles et fiscales. Civilement, ils seront soumis aux règles de l’indivision et en cas de désaccord, ils devront saisir le juge pour demander la vente du bien pour mettre fin à l’indivision. Fiscalement, les biens qui seront dans le patrimoine du défunt au moment de son décès donneront lieu à des droits de succession pour leur valeur en pleine propriété à cette date, sans compter les frais et droits liés au partage si les héritiers ne souhaitent pas rester en indivision.

Anticiper le règlement de sa succession au moyen d’une donation peut être un moyen efficace de transmettre son patrimoine en évitant de potentiels conflits entre ses héritiers tout en bénéficiant d’avantages fiscaux intéressants.

 

Donation immobilière et aspects fiscaux : démembrement de propriété et abattements en ligne directe

Un parent peut décider de donner un bien à l’un ou plusieurs de ses enfants en conservant l’usufruit des biens donnés. L’usufruit permet au donateur de conserver toutes les prérogatives liées à la jouissance du bien : l’usufruitier pourra occuper le bien ou en percevoir les loyers. L’imposition est allégée puisque seule la valeur donnée en nue-propriété sera taxée et au décès du donateur, l’usufruit s’éteindra sans générer de taxation. La répartition est prévue par un barème fiscal établi en fonction de l’âge de l’usufruitier.

Les enfants bénéficient sur la valeur reçue d’un abattement sur les droits de donation de 100 000 € par parent, renouvelé tous les quinze ans. Au-delà de cet abattement, la taxation est effectuée selon un barème progressif.

Exemple : un père décède sans avoir consenti de donation. Il laisse deux enfants et un patrimoine composé de deux biens immobiliers de 500 000 € chacun. Les enfants recevront chacun 500 000 € selon les règles de la dévolution légale en l’absence de testament. Après application de l’abattement de 100 000 €, ils seront taxés sur 400 000 €, paieront chacun des droits de 78 194 € et seront en indivision sur les deux biens.

S’il avait consenti une donation de la nue-propriété des biens à ses deux enfants, à l’âge de 66 ans par exemple, son usufruit viager aurait été évalué à 40%. La valeur donnée en nue-propriété aurait été de 300 000 € (60%) pour chacun des biens. L’abattement étant de 100 000 € par parent et par enfant, ils n’auraient été taxés que sur 200 000 € et auraient eu à régler des droits de 38 194 € chacun, soit une économie totale réalisée de 80 000 €. Bon à savoir : l’administration fiscale considère que la prise en charge des droits par le donateur n’est pas taxable.

 

Donation immobilière et aspects civils : Donation simple ou donation-partage d’un bien immobilier ?

Une donation simple consiste à donner un bien mais à en tenir compte lors du règlement de la succession du donateur selon sa valeur au décès pour déterminer la répartition du patrimoine entre les héritiers, ce qui peut être une source de difficulté.

Une donation-partage est un outil privilégié puisqu’elle présente de multiples intérêts, ses deux atouts étant qu’elle n’est pas rapportable c’est-à-dire réunie fictivement au moment de la succession du donateur et qu’elle permet de figer les valeurs des biens donnés au jour de la donation pour le calcul de la réserve héréditaire des enfants et de la quotité disponible, qui n’auront pas à être réévaluées à l’ouverture de la succession. La donation-partage se distingue donc de la donation par ses effets au moment de la succession.

Exemple : Un père a trois enfants, Jeanne, Julie et Pierre. En 1997, il donne à chacun de ses enfants la somme de 100 000 €. Grâce aux fonds provenant de cette donation, Jeanne a acquis un bien à Paris d’une valeur de 100 000 € qui vaut 400 000 € au jour du décès de son père, Julie a acheté un 4×4 de luxe qui vaut 30 000 € au jour du décès et Pierre a fait un tour du monde.

Le défunt étant décédé sans avoir établi de testament, les règles de la dévolution légale s’appliquent. Le défunt divorcé laisse des biens pour une valeur nette de 600 000 €. On rapporte les donations antérieures pour déterminer la masse à partager entre les trois enfants afin de reconstituer fictivement le patrimoine du défunt comme s’il n’avait pas consenti de donations. La somme donnée à Jeanne ayant contribué pour la totalité à l’acquisition qu’elle a réalisée, le montant du rapport est égal à 400 000 €. Le rapport d’une somme d’argent est de son montant nominal en l’absence d’investissements réalisés ou si la dépréciation du bien acquis était inéluctable au jour de l’acquisition, soit une somme de 100 000€ à rapporter par Julie et Pierre.

En supposant les valeurs inchangées depuis le décès, la masse à partager s’élève par l’effet du rapport à 600 000 + 400 000 + 100 000 + 100 000 = 1 200 000 € soit 400 000 € pour chacun. Julie et Pierre profitent de la plus-value réalisée par Jeanne. Jeanne, ayant déjà reçu un bien dont la valeur actualisée est de 400 000 €, n’aura aucun droit sur les biens existants alors que Julie et Pierre, qui ont initialement reçu la même chose, prendront 300 000 € chacun sur les biens existants. Si cette somme avait été donnée dans le cadre d’une donation-partage, le partage de la succession comprendrait les seuls biens existants au moment du décès, soit 600 000 €. Chaque enfant en prendrait un tiers soit 200 000 € sans tenir compte de la donation passée.

 

Combien coûte une donation d’un bien immobilier ?

Les droits de donation seront liquidés sur la valeur vénale réelle des biens reçus par chaque donataire déclarée par les parties. Une contribution de sécurité immobilière de 0,10% est due, outre une taxe de publicité foncière de 0,715%, les deux étant calculées sur la valeur des biens transmis.

L’impôt sur la plus-value n’est pas exigible dans le cadre d’une donation. D’ailleurs, la donation avant cession qui permet de purger la plus-value latente doit être établie avec précaution en poursuivant une intention libérale et en produisant des effets patrimoniaux effectifs.

La donation portant sur un bien immobilier nécessite l’intervention d’un notaire. Elle donne lieu à des émoluments perçus par ce dernier sur la valeur des biens donnés en pleine propriété et fixés par arrêté ministériel.

Le notaire vous aidera ainsi à anticiper votre succession en disposant des biens de votre vivant. Et si se préparer à la fin de sa vie permettrait de l’aborder de manière plus sereine ?

 Sources : Notaires du Grand PARIS

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