Immobilier/ LE MOT DU NOTAIRE
LA CRISE IMMOBILIERE EST-ELLE FINIE ?
Par Me Benoît DEPAQUIT SCHWEITZER
Notaire associé à Paris
Angle Droit Notaires
Ayant un moment souhaité épouser la carrière journalistique et étant toujours en lien étroit avec cette profession, c’est avec tout le sérieux d’un notaire que je vais tenter de m’employer à vous parler de la crise immobilière actuelle.
Un bon titre se veut accrocheur ! Pour autant, il ne s’agit pas d’écrire l’extravagance même si on y échappe en partie en posant une simple question. La réponse est-elle évidente dans un monde où les incertitudes se multiplient au temps de l’instantanéité ?
Une crise oui, mais aussi immobilière
Depuis des décennies, il semble que nous sommes perpétuellement en crise. Illustration de cela, le dernier film d’Olivier Nakache et Eric Toledano « Une année difficile » dont le générique est la répétition de ces trois mots dans des allocutions télévisuelles qui vont de Georges Pompidou à Emmanuel Macron.
Le notariat est bien entendu un des rouages du marché immobilier mais il publie également régulièrement un indice de suivi de ce marché qui a reçu le label de l’INSEE.
La profession traverse comme l’ensemble des acteurs de la société les diverses crises, que ce soit celle financière de 2008 ou encore la pandémie de 2020. Il faut remonter aux années 91-97 pour rencontrer la dernière crise dite immobilière, dite « la grande crise », la crise des « subprimes » américains de 2008 ayant eu ses effets sur le marché immobilier en France de manière instantanée sur une durée plutôt courte.
Depuis la fin de l’année 2022, nous sommes bien rentrés progressivement dans une crise de l’immobilier. Laquelle s’est accentuée depuis le second semestre 2023. Elle concerne tant les particuliers que les professionnels, promoteurs, marchands de biens, institutionnels… Elle fait suite comme presque toujours à une période de surchauffe où les acteurs emportés par le mouvement, en oublient les leçons du passé. Mais peut-il en être autrement ?
Nous sommes sortis d’une période où l’accès au crédit était facile et à des conditions extrêmement favorables (taux en-dessous de 1% souvenez-vous). Au même moment et assez logiquement l’inflation était à un niveau bas rarement atteint. Le déclencheur externe fut la guerre en Ukraine et ses répercussions sur les matières premières ainsi que sur la politique monétaire.
Outre des taux au-dessus de 4%, les banques ont progressivement fermé le robinet, dissuadant parfois les plus motivés, l’octroi de crédit chutant d’environ 50%.
Les derniers chiffres des notaires du Grand Paris
Le dernier congrès annuel des notaires qui s’est tenu à Deauville au mois de septembre dernier avait pour thème le logement. Force de proposition, ce congrès ne pouvait pas mieux tomber au moment où le gouvernement cherchait et cherche sans doute encore des solutions pour relancer ce secteur vivement bouleversé en quelques mois.
Fin novembre la Chambre des Notaires de Paris faisait part des dernières tendances :
« Le choc s’intensifie avec des volumes de ventes qui reculent de plus d’un tiers et des baisses de prix qui s’amplifient. En Ile-de-France, au 3e trimestre 2023, la chute du nombre de ventes de logements anciens s’accélère et atteint 34% en un an, après une baisse de 25% au 2e trimestre et de 17% au 1er trimestre, par rapport aux mêmes périodes en 2022. Le niveau de l’activité est désormais inférieur d’un quart par rapport aux dix dernières années. »
Au total ce sont 41 000 ventes pour la région Ile-de-France qui ont été perdues en un an. La correction sur les prix s’intensifie.
« La baisse générale de l’activité continue de peser sur les prix. Au 3e trimestre 2023 les prix au m2 (10 090 €) ont reculé de 5,3% dans Paris en un an. Le mouvement se prolongerait ensuite et l’on attend un prix de 9 760 € en janvier 2024 (-6,3% en un an) d’après les indicateurs avancés sur les avant- contrats. Par rapport au point haut enregistré en novembre 2020 (10 860 €), le prix a reculé de 1 100 € et de 10%. Cela laisserait finalement une baisse annuelle des prix des appartements de près de 8% en janvier 2024 ».
« Et vous Maître, comment voyez-vous l’avenir de ce marché ? »
Comme les agents immobiliers, les notaires sont confrontés, à juste titre, à cette lancinante question. Ce qui est certain c’est que la crise frappe durement tout le secteur au sens large, toute la chaîne, du constructeur à l’entreprise de travaux. Le notariat qui a vu le nombre de notaires augmenter depuis la réforme de 2017, son tarif réglementé baisser, connait comme tous les acteurs de fortes secousses. Un article récent du journal des Echos faisait part d’importantes difficultés rencontrées par certains offices.
Il est vrai que certains signes positifs sont apparus en fin d’année : la stabilisation, voire un début de baisse de l’inflation ainsi que les annonces de grandes banques exprimant leur volonté d’ouvrir de nouveau le crédit et conquérir des clients. Pour autant, le contexte international est des plus instable. Le pouvoir d’achat la première préoccupation des Français et les contraintes économiques de la transition écologique n’ont pas fini de produire leurs effets sur les politiques monétaires.
Par ailleurs, le secteur immobilier, comme beaucoup d’autres, est en perpétuelle évolution. La vente immobilière du particulier a tendance à se rapprocher un petit peu de celle du professionnel au regard de la documentation et des vérifications qui sont faites. Le mouvement n’est sans doute pas fini. Il est symptomatique avec les « passoires énergétiques ».
Le prix au mètre carré par quartier à Paris est déjà un indicateur relatif. Mais il le sera de plus en plus car chaque bien s’apprécie de plus en plus au vu de ses qualités intrinsèques. Diagnostic de performance énergétique, plan pluriannuel de travaux, gestion de la copropriété sont des exemples parmi d’autres de ce qui aujourd’hui est ou sera regardé à la loupe.
Finalement qui sait répondre à la question sur les tendances futures du marché ?
A priori, pas de réelle reprise avant septembre 2024, au mieux.
Les plus experts sont toujours prudents et se prononcent sur les mois à venir. Dans un monde qui connait une multiplication, souvent angoissante pour beaucoup, des incertitudes en même temps que le règne de l’instantanéité, il est bien compliqué d’avoir une vision du futur et de faire des prédictions.
Toutefois cela laisse la porte ouverte aux bonnes surprises !
Sources : Notaires du Grand PARIS